Marketing Mutuelle ANI

Dans un précédent billet, j’ai évoqué l’ANI (l’Accord National Interprofessionnel) qui contraint tous les dirigeants à souscrire à une mutuelle pour leurs salariés.

A moins d’un an de la mise en application de cet accord, où en sont les mutuelles dans leur conquête de nouveaux clients, comment les abordent-elles ?

Quel est le ressenti des dirigeants de PME, cible prioritaire en termes de contrat collectif ?

Stratégie actuelle

Ayant connaissance de cet accord, je me suis tout de suite dit que notre PDG Alexandre allait être démarché par de nombreux commerciaux venant des courtiers et des mutuelles locaux et d’ailleurs. Eh bien, non ! A ce jour, nous n’avons pas vu l’ombre d’un commercial chez CALINDA.

Les seules approches que nous ayons vues, se sont faites par le biais des innombrables publicités qui envahissent les SPAM de la boîte mail d’Alexandre pour s’ajouter à ses 19715 courriels non lus. Mais derrière, aucune action à l’horizon.

Comme je le soulevais dans un article précédent, les TPE et les PME, qui représentent 88% du marché, sont les cibles prioritaires des mutuelles. Alors pourquoi ne pas les démarcher directement, dès maintenant ? Pourquoi ne pas prendre de l’avance sur les concurrents ? Mais aussi, pourquoi ne pas gagner quelques mois de primes supplémentaires ?

L’avis des mutuelles

Nous avons interviewé quelques mutuelles et, à l’évidence, cet ANI modifie leur façon de fonctionner, mais elles ne savent pas par où commencer.

  • Du collectif … au collectif

D’une part, il y a les mutuelles qui proposent déjà des contrats collectifs mais qui voient le nombre de leurs concurrents considérablement augmenter. L’ANI bouscule aussi leur légitimité, car elles doivent garder leurs clients professionnels mais aussi réorganiser leurs actions auprès des particuliers.

  • De l’individuel … au collectif

D’autre part, il y a les mutuelles qui ne font pas du tout de contrats collectifs et qui veulent en proposer pour continuer d’exister. A partir de là, il est très difficile pour ces mutuelles de se faire une place dans ce paysage des contrats collectifs. A cela s’ajoutent des marges extrêmement faibles et une démarche difficile car il faut qu’elles se fassent connaître sur un nouveau créneau.

  • L’ANI, d’accord, mais comment le gérer ?

D’autres se rendent bien compte qu’il va falloir trouver un moyen de se différencier de leurs concurrents afin de vendre vite et bien.

Cependant, j’ai comme l’impression que les mutuelles attendent le dernier moment pour aller vers les dirigeants, ou alors, tout simplement, elles ne savent pas comment les démarcher.

Une commerciale d’une grande mutuelle a même exprimé son fatalisme face à la situation. Elle a totalement conscience du défi à relever mais reste perplexe quant à la stratégie à adopter.

Une autre personne du marketing d’une mutuelle locale, nous a expliqué qu’une stratégie digitale était en développement pour les particuliers et qu’ils réfléchissaient à une stratégie digitale pour les professionnels.

Pour résumer, les mutuelles se retrouvent face à une obligation qui ne va pas leur faire gagner plus d’argent, mais qui va les contraindre à revoir leur stratégie, quelle que soit leur situation actuelle, si elles veulent pouvoir survivre sur le marché des mutuelles santé.

De surcroît, elles doivent convaincre des dirigeants exigeants sous la contrainte !

Interviews de dirigeants de PME

Afin de comprendre l’ensemble des problématiques liées à l’ANI, j’ai interviewé quelques dirigeants afin de recueillir leur point de vue et je me suis moi-même prêtée à l’exercice de demander un devis, pour voir quel discours tiennent les mutuelles.

  • Pas de contact téléphonique mutuelle vers entreprise

Je suis très étonnée que les mutuelles ne nous aient pas contactés pour nous proposer une offre – mises à part les publicités par mail, comme je l’ai indiqué précédemment. Les dirigeants interviewés font le même constat, aucun commercial ne les a appelés ou démarchés pour présenter des offres.

Lorsque j’ai fait une demande de complémentaire santé suite à un mail, une commerciale m’a rappelée le lendemain pour me proposer des offres allant de la plus basique, à la plus élevée.

Elle m’a ainsi énuméré point par point quel était le pourcentage remboursé pour l’optique, la dentaire et compagnie, pour chaque offre. Ensuite j’ai eu un mail avec le récapitulatif de tout ce qu’elle venait de me dire – heureusement car avec tous les chiffres qu’elle m’a donnés, j’étais un peu perdue.

Cependant, elle ne m’a pas parlé de surcomplémentaire ni d’autres options qui auraient pu lui permettre d’augmenter la marge sur les offres proposées.

Livre blanc Calinda
Livre blanc Calinda
  • Qu’attendent les dirigeants des mutuelles ?

Jean-Michel ARMAND, dirigeant de la société HYBIRD a déjà une mutuelle pour ses salariés car il était en contact avec un courtier dès le départ.

« Ce que je voulais, c’était que mon courtier regarde les meilleures offres du marché et me propose celle la plus adaptée à mes salariés, avec les meilleurs remboursements, sans que je perde de temps. »

Autrement dit, il ne voulait pas perdre de temps à rechercher une complémentaire santé par lui-même car il aurait été noyé dans tout ce flot d’information et serait peut-être passé à côté de l’offre qu’il lui fallait pour ses salariés.

Même son de cloche du côté de Yann GOUZOUGUEN, dirigeant d’une entreprise de conseil, qui souhaite avoir une proposition claire et compréhensible de la part d’un commercial pour éviter encore une fois de perdre du temps.

Il souhaite que le commercial lui propose une offre qui a un bon rapport qualité / prix et qui prend en compte des remboursements en optique et en dentaire. Mais surtout dit-il «pour faire mon choix final, j’attacherai de l’importance au service, que ce soit au niveau de l’appel, de la réactivité, du service client et de l’administration en ligne ».

A l’évidence, les dirigeants, qui ne proposent pas encore de complémentaire santé, vont être non seulement exigeants sur le prix et l’intérêt de l’offre mais également sur la façon dont les mutuelles vont les présenter et leur pertinence pour leurs salariés, qui ont peut-être déjà une complémentaire santé par leur conjoint.

Pour le moment, les mutuelles agissent doucement et ne vont pas massivement au-devant des dirigeants. Je suis presque sûre, que ces derniers vont attendre le dernier moment pour souscrire à une mutuelle et vont donc prendre l’offre la moins chère, comme le souligne Alexandre MERMOD, le CEO de CALINDA :

« Je sais que je dois proposer une complémentaire santé à mes employés, mais avec toutes ces offres et toutes ces actions marketing qui se ressemblent, je suis perdu et je ne sais pas laquelle choisir. En l’état, je vais donc tarder jusqu’au dernier moment, puis je devrai au plus vite trouver une offre peu coûteuse et correspondant au minimum légal, à moins qu’un commercial vienne me démarcher, dans ce cas, j’aurai le plaisir de découvrir ses offres et de choisir avec nos salariés la meilleure formule. Franchement, cette deuxième approche serait plus constructive, mais je n’ai pas le temps de l’initier moi-même. ».

Finalement, y a-t-il une stratégie de conquête ?

Je me demande du coup, s’il existe bien une stratégie de conquête de la part des mutuelles santé qui, j’ai l’impression, attendent que les dirigeants finissent par venir à elles pour souscrire à une complémentaire santé obligatoire et qu’ils la choisissent par dépit.

Quand nous étudions d’un peu plus près les publicités que nous avons reçues, elles se ressemblent quasiment toutes. Elles mettent en avant un prix attractif, la proposition d’un devis en ligne et quelques explications sur l’ANI.

Ces publicités sont toutes très bien faites, mais encore une fois laquelle choisir, c’est le même prix, le même message, les mêmes propositions d’action. Franchement, y’a de quoi être perdu dans tout ce flot d’information.

Après ce rapide tour d’horizon du marketing des mutuelles, nous pouvons donc poser quelques constats :

  • Les Mutuelles considèrent qu’elles ont encore le temps de voir d’ici le 1er janvier 2016. La fin d’année risque d’être mouvementée !
  • Leur stratégie se fait uniquement par le web, mais dans ce cas, je me demande comment sont gérés les devis qui atterrissent dans le back office. Sont-ils conservés ? Par quel moyen ? Sont-ils réutilisés pour en faire des contrats ? Qui gère tous ces devis ? Combien de temps ça leur prend ?

En définitive, le back office est-il optimisé et préparé au flux de devis en ligne que les dirigeants vont finir par demander ? Et surtout, une fois les devis établis, les back offices sont-ils prêts à encaisser le flot de contrats (qu’au passage il faudra bien faire signer au dirigeant) ?

C’est une première clé pour les mutuelles car une gestion du back office optimisée, signifie transformation des contrats rapide !

  • On constate l’absence, à première vue de relation client en face à face. Je parle souvent de dématérialisation dans mes articles, mais il me semble évident que rien ne remplace l’humain, la preuve en est, les dirigeants interviewés mettent justement en avant ce désir de contact simple et direct. La dématérialisation doit consister à supprimer les barrières administratives pour laisser la place à l’humain. Par conséquent, les actions faites par les mutuelles via le web sont très bien, car il faut le faire. Mais un commercial qui se déplace vers les dirigeants pour créer de la relation et se distinguer de ses concurrents est la deuxième clé de la réussite.

J’imagine que si un commercial vient à la rencontre d’un dirigeant et lui montre clairement et simplement quelles sont les offres qui sont à sa disposition, quels sont les avantages pour les salariés, quels sont les avantages financiers, non seulement il pourra convaincre le dirigeant mais il lui fera signer aussi directement les contrats. C’est clairement ce qu’attendent les dirigeants, qui ne demandent qu’une chose : se conformer à cette nouvelle réglementation vite et bien.

L’ANI est un vaste sujet, et les conséquences pour les mutuelles sont nombreuses. En particulier, la concurrence devient de plus en plus ardue. Le moyen le plus évident pour se démarquer reste le mode de distribution qui permet aux mutuelles de convaincre les dirigeants, c’est ça le réel enjeu finalement ! Alors, place à l’innovation …

4 Commentaires

  1. Bonjour,
    Je confirme que les mutuelles sont tournées vers le digitale.
    En matière de transformation, les devis (leads) sont souvent gérées en plateforme téléphonique interne, avec effectivement relais commercial terrain.
    La mise en place de la mutuelle obligatoire dans les entreprises bouscule en effet le secteur.

  2. Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J’ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Fabienne Huillet

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